Comment devenir invisible: l'aspect scientifique de la fiction

invisibility
By Georges Jansoone (JoJan) (Own work) [CC BY 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/3.0)], via Wikimedia Commons
L'idée de l'invisibilité fait un peu penser à de la science-fiction: mais la recherche actuelle pourrait-elle transformer cette fiction en réalité? L'ambition du professeur Leonhard, dont le projet de recherche est subventionné par le CER, est de relever les liens entre des concepts de théorie abstraite, issus de la géométrie et de la relativité, et leurs implications pratiques dans des domaines allant des matériaux à la photonique. Il présentera cette recherche au public le 1er décembre, lors de l'évènement TEDx à Bruxelles.
L'idée à l'origine de la science de l'invisibilité semble venir d'un
monde imaginaire très éloigné de celui des laboratoires scientifiques.
Et pourtant, les outils utilisés pour l'étudier ne sont pas de nature
complexe. Le professeur Leonhardt explore les aspects pratiques de
l'invisibilité: en s'appuyant sur une technologie optique de pointe qui a
aussi de profondes implications dans la théorie de la relativité.
La science au quotidien
Cette recherche se fonde sur la relation entre la géométrie et
l'optique: en explorant par exemple la courbure de l'espace/temps. Ce
type de physique à fort impact peut sembler éloigné de la vie
quotidienne alors qu'en fait la même physique régit l'optique des verres
grossissants ou le déplacement d'objets dans l'eau. Le meilleur moyen
de décrire ce processus est de penser à un poisson dans un aquarium.
Nous voyons le poisson à un endroit différent de celui où il se trouve
réellement parce que l'eau renvoie une image déformée. Notre perception
de l'espace est donc modifiée par l'eau car notre perception est créée
par la façon dont la lumière perçoit l'espace modifié.
L'équipe de
recherche teste cette distinction en la poussant à l'extrême afin de
voir ses limites et si elle peut mener au développement d'idées
nouvelles et intrigantes.
Les fondements de la science
Les mystères de l'optique intéressent les scientifiques depuis plus
d'un millier d'années. Ils ont inspiré la recherche dans ce que les
nouvelles technologies pouvaient nous apprendre sur l'intersection entre
la physique et l'optique. Au-delà de cette exploration théorique, le
professeur Leonhardt essaie de relever les applications pratiques
potentielles: par exemple dans la netteté et la résolution des
techniques d'imagerie, et les implications relatives à la physique
quantique. Les forces agissant dans un vide quantique sont d'un intérêt
particulier pour ce projet. Bien que ces concepts semblent abstraits, le
professeur Leonhardt explique que le vide est quelque chose que nous
expérimentons au quotidien: «Ces forces font qu'un ticket de parking
reste collé sur un pare-brise. Les deux surfaces sont électriquement
neutres et pourtant elles s'attirent mutuellement. Les forces sont
particulièrement importantes dans les dispositifs micromécaniques où
elles peuvent provoquer le blocage de certaines pièces. Nos travaux
devraient contribuer au développement de dispositifs sans friction. Le
vide quantique est aussi ce qui influence le comportement des particules
à l'horizon des évènements, mais seulement à une échelle cosmologique.
Cette recherche pourrait lever le voile sur les mystères de l'énergie
noire, la force répulsive qui pousse l'Univers, mais au sujet de
laquelle nos connaissances sont limitées».
L'attrait de l'optique
La ligne de recherche actuelle du professeur Leonhardt a commencé il
y a quinze ans, quand il donnait des cours sur le thème général de la
relativité en tant que conférencier. Les détails de ce thème étaient
méconnus et cela l'a incité à réfléchir à la façon de communiquer plus
clairement à ce sujet et d'explorer les liens entre ce qu'il enseignait
et ses connaissances dans le domaine de l'optique.
Ce projet devrait élargir notre compréhension du monde, à notre
niveau comme à l'échelle cosmologique. Le professeur Leonhardt fait
remarquer que l'engagement du CER à financer la recherche exploratoire
signifie que «des idées qui pourraient sembler farfelues peuvent aboutir
à un projet. Car si elles sont justes, elles doivent être prises au
sérieux, quel que soit leur degré d'étrangeté. L'important, c'est ce
qu'elles nous apprennent».
Le monde au-delà du laboratoire
La recherche du professeur Leonhardt est hautement imaginative, mais
les outils en soi ne sont pas particulièrement techniques. Il pense que
c'est la raison pour laquelle il a séduit le public TEDx. Il affirme
que le public peut être «pris de passion par la recherche exploratoire
sans même la désigner comme telle. Il peut alors comprendre que ce type
de recherche prend du temps. Nous n'avons pas toujours besoin de penser
en termes d'applications quoique, bien entendu, celles-ci peuvent
apparaître et apparaissent effectivement pendant les travaux de
recherche. Si nous ne soutenons pas la recherche exploratoire, nous
continuerons simplement à affiner les technologies existantes. Nous
pourrions même être à court d'idées».
À propos de l'évènement TEDx, le professeur Leonhardt insiste sur le
fait que ces évènements de diffusion sont essentiels car la science est
«financée par des fonds publics et qu'à ce titre le public est en droit
de savoir à quoi sert l'argent, qu'il n'est pas gaspillé et qu'il
produit des idées et applications intéressantes».
Le financement du CER cible la recherche individuelle, une
orientation qui, selon le professeur Leonhardt, est parfaitement adaptée
à la génération d'idées. La flexibilité stimule le type de science où,
par définition, vous ne connaissez pas les réponses d'avance. Également
inspiré par le rapport entre la littérature imaginative, les sciences et
la musique, il compare son domaine scientifique à un orchestre «où le
chef d'orchestre et les divers musiciens sont nécessaires pour exécuter
le morceau».
Allez écouter le professeur Leonhardt le 1er décembre à 14h15 (BOZAR, Salle Henry Le Boeuf).
publié: 2015-01-27