Des capteurs de position à base de graphène pour résoudre tous les problèmes de l’industrie
Les capteurs de position utilisés dans le secteur automobile représentent un marché de près de quatre milliards de dollars. Les types d’encre à base de graphène mis au point dans le cadre du projet GRAPHENESENS pourraient prochainement connaître une réduction de 45 % de leurs coûts de production et voir leur durée de vie se prolonger.
Est-ce que les coûts de production très élevés du graphène empêchent de traduire son potentiel en avantages réels pour les applications commerciales? En examinant un projet tel que GRAPHENESENS (Development of Graphene based Contact Position Sensors), nous serions tentés de répondre non.
Grâce à des revêtements nanocomposites à base de graphène utilisés pour développer de nouveaux capteurs de position, le projet est parvenu à surmonter les trois principaux désavantages des solutions actuelles: les mauvaises caractéristiques d’usure menant à un manque de fiabilité à long terme; la précision limitée en raison de la rugosité de la surface qui entraîne du bruit; et le coût élevé dû à l’utilisation de métaux précieux pour fabriquer le curseur du capteur.
Dans l’ensemble, le projet a permis de créer un nouveau potentiomètre doté de bandes résistantes sérigraphiées en recourant à des encres à base de graphène, à une unité principale de curseur associant un substrat à faible coût et un revêtement à base de graphène, ainsi qu’à un cœur de codeur à 48 impulsions en utilisant notamment un revêtement barrière à base de graphène. Les marchés de l’automobile et de la moto sont ciblés, et des marques prestigieuses font déjà part de leur intérêt.
Pufinji Obene, le directeur des opérations à Precision Varionic International et coordinateur de GRAPHENESENS, nous fait part des résultats du projet et de son potentiel pour changer le marché des capteurs de position.
Qu’espériez-vous réaliser avec ce projet?
On parle beaucoup du graphène et de ses utilisations potentielles, mais la vérité est qu’il est assez cher à utiliser sous sa forme pure. En d’autres termes, les avancées centrées exclusivement sur le graphène n’auront lieu qu’en laboratoire.
Mais nous savons également que le graphène dispose d’incroyables propriétés, que ce soit sa conductivité électrique, sa résistance mécanique ou sa texture lisse. Ainsi, après réflexion, nous nous sommes penchés sur un système spécifique à chaque application, en prenant une couche de graphène pur et en la transformant en un type d’encre, pour enfin apprécier la différence entre la même application avec ou sans graphène.
GRAPHENESENS s’est concentré sur le recours au graphène dans les capteurs de contact dans l’industrie automobile, mais notre recherche peut trouver des applications dans tous les types de capteurs de position.
Quelle valeur ajoutée espériez-vous apporter à ces produits avec le graphène?
Il s’agissait essentiellement d’améliorer la viabilité, surtout en ce qui concerne les capteurs à base de graphène pour les antennes, les pédales d’accélérateur, les codeurs, les moteurs ou même la robotique.
Par exemple, une pédale d’accélérateur nécessite des encres à longue durée de vie, pour lesquelles deux millions de cycles sont prévus par les spécifications, et la réalisation de tests pour que le système puisse endurer jusqu’à sept millions de cycles. La question qui se pose est: puis-je utiliser le graphène pour améliorer la durée de vie de ce produit? Si oui, ajouter alors ne serait-ce que 1 ou 2 % de graphène à un type d’encre – ce qui représente un très faible pourcentage – peut avoir un grand impact au niveau financier.
Les voitures sans conducteur constitueraient-elles aussi une application potentielle?
Oui. Les voitures sans conducteur utilisent des radômes pour protéger les radars, mais ces derniers ont tendance à geler et ne peuvent donc pas réceptionner le signal. Un des projets sur lesquels nous travaillons avec un de nos clients consiste donc à employer notre solution comme un élément chauffant. Pour ce faire, nous enrobons un polyamide d’une encre à faible viscosité à base de graphène, qui adhère très bien au substrat et qui présente une conductivité élevée, afin qu’il puisse chauffer le radôme avec une très faible puissance.
Nous avons évoqué la viabilité comme un point fort, mais qu’en est-il du coût?
Pour revenir à nos capteurs de position de contact, nous pouvons utiliser notre graphène afin d’enrober le curseur du potentiomètre, ce qui représente un atout considérable. En général, un curseur est produit à partir de métaux très précieux comme le Paliney, qui est très cher. En utilisant un matériau moins cher et en l’enrobant avec notre système en graphène, nous pouvons obtenir un curseur bien meilleur marché (de l’ordre de 5 à 10 fois moins cher) qu’un curseur réalisé à base de Paliney.
En réalité, nous pouvons aussi bien utiliser le graphène sur l’extrémité du curseur le moins cher que pour le circuit conducteur du potentiomètre. Cette interface graphène à graphène nous permet d’atteindre un équilibre parfait entre les caractéristiques d’usure du curseur et les propriétés électriques de l’encre.
Avez-vous pu quantifier les bénéfices de ce système?
Nous avons comparé les produits contenant du graphène à ceux qui en sont dépourvus, et les bénéfices sont extraordinaires. Nous sommes parvenus à réduire de moitié l’épaisseur de l’encre imprimée, et notre technique Aerosol Assisted Ion Deposition (AAID) utilisée pour enrober le curseur le moins cher permet de réduire son coût de 80 %. Globalement, nous avons réussi à réduire de 45 % les coûts de production des capteurs de contact.
Qu’en est-il de vos projets de commercialisation?
Nous réalisons déjà des prototypes pour deux ou trois fournisseurs automobiles, uniquement en ce qui concerne le curseur, et deux d’entre eux travaillent également sur l’encre à longue durée de vie, mais ces informations sont confidentielles et relèvent de la propriété intellectuelle.
Certains de nos clients rencontrent des problèmes avec le curseur et ont besoin du nouveau produit le plus rapidement possible. Aujourd’hui, le défi consiste à atteindre une échelle de production industrielle, et nous devrons nous attaquer à la deuxième phase du projet Instrument PME pour y parvenir.
Nous visons également d’autres marchés en dehors de l’automobile, de sorte que, dans l’ensemble, nous espérons lancer un produit d’ici deux à trois ans.
Rétrospectivement, diriez-vous que votre projet illustre les applications potentielles du graphène?
Je pense que oui. À l’heure actuelle, le marché a besoin d’applications de graphène pour les situations du quotidien. Je ne pense pas que le graphène dans sa forme pure puisse être utile à la société. Nous devons d’abord parvenir à en isoler une seule couche et à la placer dans un circuit imprimé. En attendant, nous devrions l’utiliser comme un élément de renfort et nous concentrer sur la réalisation de produits pratiques. C’est ce que nous avons fait avec GRAPHENESENS.
publié: 2018-03-01