En observant l''activité de régions spécifiques de leurs cerveaux, des chercheurs ont réussi à reproduire précisément des visages vus par des macaques. Les scientifiques ont présenté des photographies de visages humains à des macaques et ont ensuite analysé la réponse d''environ 200 cellules situées dans des régions appelées «système de groupe de reconnaissance faciale du macaque», utilisant ces signaux pour reconstituer les visages montrés sur les photos.
En utilisant l''imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et des enregistrements électrophysiologiques, des chercheurs se sont appliqués à exploiter les réponses de certaines cellules afin de construire un modèle explicite des cellules de reconnaissance faciale comme moyen de décoder une représentation réaliste et arbitraire d''un visage. Ils ont également cherché à savoir s''ils étaient en mesure d''anticiper la décharge des cellules en réponse à la présentation d''une image de visage.
L''une des étapes initiales de l''étude a consisté à déterminer comment les cellules cérébrales du cortex visuel supérieur interprètent des images reconnaissables. Des travaux conduits par le professeur Doris Tsao et ses collègues du California Institue of Technology (Caltech) ont utilisé l''IRMf pour identifier des groupes de cellules spécialisées qui sont actives chez les personnes à qui l''on montre des représentations de visage. Ces neurones, que l''équipe a appelés «cellules de reconnaissance faciale» sont situés dans les six régions du cortex temporal inférieur. Ils ont appelé ces zones «groupes de reconnaissance faciale».
En utilisant l''IRMf, les chercheurs ont d''abord localisé six groupes de ce type sur deux singes, en leur présentant un ensemble de stimulations contenant des représentations de visages et d''autres objets. Certains groupes ont ensuite fait l''objet d''enregistrements électrophysiologiques. Pour interpréter leur activité, l''équipe a déterminé 50 dimensions différentes permettant de définir un visage reconnaissable en utilisant des paramètres tels que la distance entre les yeux, la hauteur du front, ainsi que des caractéristiques non liées à la forme du visage, comme la couleur de la peau.
L''équipe a ensuite montré aux animaux les photos de 2 000 visages et surveillé l''activité provoquée dans 205 neurones situés dans les groupes de reconnaissance faciale. Le magazine «Cell» a publié les résultats dans un
article, intitulé «The Code for Facial Identity in the Primate Brain». Faisant état des résultats, l''article du magazine
«New Scientist» cite le professeur Tsao : «Nous avons déchiffré le code utilisé par le cerveau pour la reconnaissance faciale.»
Le professeur Tsao explique que même s''il existe une infinité de visages, ceux-ci peuvent être décrits en n''utilisant que 50 paramètres. «C''est comme avec des images générées par ordinateur, sauf qu''il s''agit de nos cerveaux.» La recherche suggère que les différentes caractéristiques d''un visage sont codées par environ 200 neurones. Mais lorsqu''elles sont combinées, les informations communiquées par chacune de ces cellules nerveuses permettent au macaque de construire une image claire du visage d''un individu. En utilisant un algorithme, les chercheurs ont pu recréer les visages que les singes avaient vus sur les photos. Placées en vis-à-vis, les images initiales et leurs reconstructions se sont avérées presque identiques. Il suffit de 106 cellules dans un groupe et de 99 cellules situées dans un autre groupe pour reconstituer un visage de façon précise.
«Cela nous a paru complètement incroyable: nous avions toujours pensé que les cellules de reconnaissance faciale étaient plus complexes. Mais il s''avère que chaque cellule de reconnaissance faciale se contente de mesurer une distance sur un axe unique de l''espace du visage, et qu''elle ne voit pas les autres caractéristiques», aurait déclaré le professeur Tsao à la BBC. La proche parenté entre les primates laisse supposer que le cerveau humain pourrait utiliser un mécanisme similaire. L''auteur principal de l''article, Steve Le Chang, suggère que ces résultats pourraient indiquer que d''autres objets peuvent être codés de façon similaire en utilisant des systèmes simples de coordonnées.