L'engagement politique, et les raisons pour lesquelles certains citoyens
passent par les urnes alors que d'autres choisissent de descendre dans
la rue, est le sujet de POLPART, un nouveau projet dirigé par Bert
Klandermans, professeur de psychologie sociale appliquée à l'université
libre d'Amsterdam (Pays-Bas). Le projet a reçu une subvention sur cinq
ans du Conseil européen de la recherche (ERC) et a été lancé en janvier
2014. Il part d'une idée simple mais forte: tôt ou tard, n'importe quel
citoyen s'intéresse suffisamment à un sujet pour prendre part à une
action politique. La question est de prévoir la forme que prendra cette
activité.
«L'idée de départ du projet est que nous avons tous le choix»,
déclare le professeur Klandermans. «Les citoyens peuvent choisir de
s'impliquer dans la politique; ils peuvent choisir d'adhérer à un parti
politique; ou de faire ni l'un ni l'autre. Qu'est-ce qui motive une
personne de s'impliquer dans un mouvement social? Et d'autre part,
qu'est-ce qui pousse une personne à se retirer complètement du processus
politique?»
Une dimension européenne
Les élections du Parlement européen des 22-25 mai 2014 constituent
un point de départ utile à POLPART. «Nous n'avions pas vraiment prévu de
lancer ce projet l'année des élections européennes, c'est le fruit d'un
heureux concours de circonstances!» précise le professeur Klandermans.
«En même temps, ces élections sont très intéressantes, car elles
impliquent un échelon différent (par rapport à la politique locale et
nationale). C'est un autre niveau d'engagement politique possible, et
nous allons suivre les résultats avec intérêt.»
POLPART couvre quatre sous-projets: une méta-analyse des
publications sur les mouvements et les partis politiques; des
comparaisons de la participation politique sur la durée et par pays; des
groupes de discussion; et des sondages effectués auprès de 1 000
citoyens.
«Je pense que le troisième sous-projet, à savoir les groupes de
discussion, sera intéressant par rapport au Parlement européen» ajoute
le professeur Klandermans. «Nous discuterons des choix possibles pour
les citoyens. L'engagement dans la politique par le biais du Parlement
européen constituera l'une de ces options. J'imagine que de nombreux
citoyens estimeront qu'ils ne savent pas vraiment comment fonctionne
l'UE et, à mon avis, nous découvrirons que nombre d'entre eux n'auront
pas pensé au Parlement européen comme à une option possible. Ils
penseront sans doute davantage aux parlements nationaux.»
Comprendre le contexte national
Le projet se concentre sur huit pays : l'Allemagne, l’Argentine, le
Brésil, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et la
Suisse.
«Le volet international constituera un aspect important de ce
projet», déclare le professeur Klandermans. «Nous croyons que les choix
politiques des citoyens sont ancrés dans l'histoire politique de leur
pays. En Hongrie, la population fait des choix politiques différents de
ceux des Brésiliens. Et en Suisse, il faut aussi tenir compte de
l'importance du référendum, un autre moyen de participer au processus
politique. Les Pays-Bas sont également intéressants, car aucune autre
démocratie mûre impliquée dans l'étude n'a un tel parti radical de
droite. Pourquoi?»
L'équipe de recherche a démarré le projet avec certaines attentes.
Elle cherchera à savoir, par exemple, s'il est vrai que les pays
postcommunistes sont en général plus sceptiques vis-à-vis de la
politique et ont moins confiance en leurs dirigeants politiques. Elle
espère trouver la réponse par l'intermédiaire des groupes de discussion
et des sondages effectués auprès des citoyens. L'équipe s'attend
également à confirmer que les citoyens des démocraties dites « mûres »
sont, par contre, plus enclins à s'impliquer dans un parti politique.
Un nouveau moyen de comprendre le comportement politique
Le projet vise à créer un cadre de réflexion en vue de mieux
comprendre la démarche des citoyens qui s'engagent dans la politique.
Cela devrait combler l'écart entre les sciences sociales car, d'un côté,
les sociologues sont exclusivement axés sur les mouvements sociaux et,
de l'autre, les politologues se concentrent uniquement sur les partis
politiques.
Combler cette lacune conceptuelle pourrait contribuer à mieux
comprendre le monde réel. Prenons par exemple la situation complexe en
Ukraine orientale. «Il y plusieurs années, en 1989, j'ai participé à un
atelier en Allemagne sur les relations Est-Ouest et les mouvements de
protestation», explique le professeur Klandermans. «Pas un seul expert
n'avait prévu la chute du Mur six mois plus tard. J'imagine qu'il y a
six mois, peu d'entre eux auraient pu prévoir la situation actuelle en
Ukraine. J'espère donc qu'à la fin de ces cinq ans, nous aurons une
vision plus claire sur certains des processus politiques, que ce soit au
sein des pays de l'UE comme en dehors.»
Projet:
Domaine de recherche: Sociologie
Chercheur: Professeur Bert Klandermans
Institution d'accueil: Université d'Amsterdam, Pays-Bas
Projet ERC: Comment les citoyens essaient d'influencer la politique
et pourquoi. Comparaisons internationales des mouvements et partis
politiques (POLPART)
Appel ERC: « Advanced Grant » 2013
Financement ERC: €2,3 millions pour cinq ans
Liens:
Page web du chercheur
Entretien avec le chercheur portant sur les manifestations des jeunes